L’ouverture des assises de l’habitat à Tahiti a relancé le débat sur l’immobilier en Polynésie française.Teari Alpha, ministre du Logement tient coûte que coûte à trouver des solutions à la pénurie de logements sociaux que connaît l’archipel polynésien. La crise du logement pénalise en effet grandement les polynésiens à faible revenu voire même ceux de la classe moyenne. Au total 6000 demandes de logement sont insatisfaites en 2015. La politique en matière de logement social ne répond pas efficacement aux 45000 habitants qui vivent dans l’insalubrité. Certaines familles ont déposé leur demande depuis plus de 10 ans. Et n’ont jamais eu de réponse. Qu’en est-il de l’efficacité des pouvoirs publics dans leur gestion de l’habitat polynésien ? En effet, la résorption des logements insalubres ne progresse pas…
Depuis plus de 30 ans, le promoteur historique de l’île OPH (office polynésien de l’habitat) à de part son immobilisme laissé la situation graduellement s’empirer jusqu’ à atteindre un point de non retour, bref il y a urgence.
Les chiffres ne parlent pas pour OPH
OPH, l’organisme public du logement social polynésien a réalisé en 2014, un déficit de 147,3 millions de FCFP (franc pacifique) soit 1 234 374 euros.
Une situation financière catastrophique, qui peut notamment s’expliquer par le défilé de directeurs qu’elle a connu. Dans ces cas- là, il est bien difficile d’établir un objectif unique et un programme définitif pour répondre à la demande de logement. En 2013, l’établissement n’a livré que 37 logements… La construction de 600 logements neufs annuels s’avère nécessaire pour que OPH puisse retrouver un équilibre financier. La situation s’est aggravée d’une part à cause de l’évolution des demandes mais aussi à cause de la crise que connaît la filière du logement.
En 2007, 20 % de la population avait bénéficié d’un logement social. Depuis la demande s’est accrue jusqu’à atteindre 400 nouveaux dossiers par an, tandis que la production de logements sociaux ne suit pas ce rythme échevelé.
Si l’on se réfère au niveau de production de 2013, il faudrait plus de 160 ans à l’OPH pour satisfaire les demandes de logements en attente. Les perspectives d’avenir demeurent sombres : D’ici à 2027, la Polynésie comptera sur son territoire 28 500 ménages de plus et le parc social devra s’adapter à cette nouvelle démographie. Soit 400 à 500 nouveaux logements locatifs par an. Les choses ne semblent pas se diriger dans ce sens.
Le logement social : une organisation mal coordonnée
La Polynésie française a reçu de l’Etat en 1984 l’entière responsabilité en matière de logement. Elle est seule à élaborer le cadre et à définir les politiques publiques applicables au parc locatif. Force est de constater que cette exclusivité a porté préjudice au logement polynésien puisque les (non)choix faits ont manqué de coordination et de pilotage.
Le système s’est avéré défaillant à cause d’un manque de professionnalisme. Heureusement de nouveaux acteurs du logement social viennent tout récemment d’obtenir leur agrément pour aider l’OPH dans sa difficile tâche.
Imagine Puna Ora : Un promoteur ambitieux et engagé
Une prise de conscience de l’urgence de la situation immobilière (38000 nouveaux logements seront nécessaire dans les quinze prochaines années) à conduit l’OPH à ouvrir le marché du logement social polynésien à des acteurs privés. Ainsi en mars 2015 Imagine Puna Ora aura été le premier promoteur privé à porter sa pierre à l’édifice il prévoit la construction de 1500 logements sociaux sur les îles de Tahiti et Moorea. 25 opérations immobilières satisfaisant tous les critères sociaux et environnementaux devraient voir le jour d’ici 2018. Le promoteur inscrit sa démarche dans le programme de construction engagé par la présidence polynésienne. Puna Ora propose de nouvelles formules permettant aux foyers à faible revenu d’accéder à la propriété. Une démarche qui vise dans un premier temps la personne et ses besoins. Tout d’abord, les plus défavorisés en leur donnant la possibilité d’avoir un logement à loyer modéré mais aussi les jeunes actifs. À terme, Puna Ora souhaite offrir l’accès à la propriété à un maximum de ménages. Au bout de cinq années le locataire aura la possibilité d’acheter son logement à un prix qui prendra en compte l’ensemble des loyers versés.
Habitat Polynésien : Un organisme structuré
La banque de Tahiti, propriété du groupe BPCE (Banque populaire/caisse d’epargne) s’est également engouffré dans la brèche et a créé Habitat Polynésien pour prendre sa part du gâteau.
Ce nouvel opérateur va bénéficier de l’expertise de HABITAT EN REGION (également filiale de BPCE) spécialisé dans le logement social métropolitain. Ce dernier gère 210 000 logements en France. Habitat polynésien pourra aussi accéder au dispositif de défiscalisation pour les logements sociaux outremer (loi Girardin) via une autre filiale de BPCE : INGIEPAR. Habitat polynésien envisage la construction de 400 logements annuels pour un budget de 10 milliards de FCFP.
Finalement, les choses semblent enfin bouger à Tahiti, mercredi 25 novembre le ministre du Logement, Tearii Alpha, et l’administrateur des îles du Vent, Christophe Lotigié, se sont rendus dans les communes de Paea et de Papara afin de visiter l’installation de Fare OPH, projet conjointement mis en œuvre par la Polynésie française et l’Etat français.
Une occasion pout Teari Alpha de suivre au plus près la concrétisation de ce projet qui prévoit la livraison de 118 FARE OPH pour la somme de 800 millions de fcfp. Un financement à parts égales entre le fenua et l’Etat. Actuellement 106 familles se sont vu attribuer un logement, 63 se sont déjà installées et 12 dossiers sont en cours d’instruction.
La discussion entre le ministre et ses familles logées à permis au gouvernement de mesurer l’importance de cette aide aux familles en difficulté qui vivent désormais dignement. Une façon efficace de reconstruire la cellule familiale.
Stécy LANCASTRE