A la question de savoir pourquoi elle a opté pour la danse comme moyen d’expression artistique, Tramayne Johnson-Pauillac répond de façon péremptoire: “C’est plutôt la danse qui m’a choisie”. Récemment diplômée de la Rambert School of Ballet and Contemporary Dance de Londres, Tramayne a parcouru le globe pour son art. Interview.
LaNouvelleSam : Guyane, New-York, Californie, Londres, Paris, tu en as fait des kilomètres pour “te réaliser”. Décris nous ton parcours.
Tramayne Johnson-Pauillac : C’est à l’âge de 4 ans que j’ai suivi mes premiers cours d’éveil à la danse classique avec Guy Falédam. Puis à l’âge de 6 ans, j’ai poursuivi avec Ivan Ivanoff à l’Adaclam en Guyane. Il y a tant de maîtres qui m’ont accompagné. La liste serait longue.
Je suis une artiste ! Durant plusieurs années, j’ai pratiqué le piano. Je me suis également intéressée à la musique, au dessin et même à la coiffure. Finalement, j’ai choisi une activité qui est devenue mon métier : la danse !
Une chose est sûre : la danse a toujours été dans ma vie.
TJP, “La danse m’a choisie”
A l’obtention de mon bac, j’ai fait mon choix. Ou plutôt la danse m’a choisie. Suite à une audition vidéo à Iyllwild Arts Academy en Californie, une bourse m’a été offerte. Grâce à cela, j’ai intégré une formation pré-professionnelle de danse classique, moderne et jazz d’une année.
“C’était la première fois que je suivais un enseignement artistique à vocation professionnelle”A la fin de cette formation américaine, j’ai suivi des cours “open” de danse classique à Paris notamment avec Wayne Byars, Andrey Klemm et Bernard Boucher. Ensuite j’ai été admise à l’Institut de formation professionnelle Rick Odums où j’ai développé davantage mes aptitudes en danse jazz tout en suivant des cours de danse classique et de moderne.
J’ai eu la chance d’être entraînée par des professeurs engagés et déterminés à me donner le meilleur, et à me pousser au maximum de mes possibilités.
LNS : Que t’ont apporté toutes ces expériences ?
TJP : Ces expériences ont façonné mon corps et mon mental. Elles m’ont amené à devenir la femme que je suis aujourd’hui. La danse m’a enseigné la foi avant tout, au sens où il faut croire en soi et en ce que l’on désire construire par une pratique artistique. Il faut garder la passion, garder la flamme qui nous anime, pour mieux l’embraser afin de pouvoir évoluer dans le métier.
La danse m’a enseigné la foi
Si tu devais définir la danse ?
Lorsque j’ai commencé la danse, il s’agissait de l’une de mes activités extra-scolaires. La danse a ce quelque-chose qui oblige à se dépasser, à aller au-delà des barrières intérieures et extérieures que l’on se pose. C’est un domaine exigeant, qui sans effort et sans une réelle compréhension de son corps et de la discipline, ne peut produire un réel épanouissement.
Ainsi la danse a créé très tôt dans ma pratique ce moment où je me retrouve avec moi-même, avec mon corps et puis peu à peu avec mon esprit. Peu importe ce que je ressens ou l’état dans lequel je suis, l’unique expérience que la danse m’apporte me comble. C’est devenu essentiel dans ma vie. J’ai besoin de danser !
Je pense que l’on ne choisit pas réellement de devenir artiste, mais que l’on choisit de faire tout notre possible pour s’y donner entièrement quoiqu’il advienne.
Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer dans ce domaine ?
La danse, comme tous les arts, est un domaine extrêmement compétitif ; et comme tous les sports elle nécessite une certaine performance physique et technique pour pouvoir, par exemple, simplement suivre un cours de danse en ayant une optique adaptée à la discipline. C’est-à-dire, en respectant les règles d’alignement, de l’en-dehors etc.
En sachant quel muscle travailler et ce dans chaque mouvement, sans se blesser. Et contrairement aux autres sports dans lesquels il y a des saisons où l’on doit atteindre un certain niveau, en danse on considère comme perdu les jours où l’on n’a pas dansé. Il faut donc faire au mieux pour maintenir ce que l’on acquiert tout en allant plus loin chaque jour.
Cela représente une difficulté tant sur le plan physique que sur le plan mental. C’est la régularité, la rigueur, l’engagement et la répétition qui feront la différence. Il n’y a rien de plus beau qu’un corps façonné par la danse. Construit avec passion et détermination.
Femme noire, danseuse classique ?
Cela peut être un avantage dans un milieu ouvert, si techniquement et artistiquement on a un mouvement intéressant, une expression qui suscite quelque-chose. Et cela peut être au contraire un challenge dans un milieu fermé où il faudra être le meilleur quoiqu’il advienne, sans avoir de garantie que l’on aura des possibilités d’évolution dans la compagnie, ou que l’on nous donnera la chance d’avoir un rôle de soliste par exemple.
Être danseuse classique et noire signifie que l’on ne passe pas inaperçu.
Néanmoins, il y a d’innombrables endroits dans le monde où l’on pratique la danse classique que ce soit en tant qu’amateur ou en tant que professionnel. Ainsi, je pense que cela dépend avant tout du contexte dans lequel on se trouve : le pays, le milieu social, l’époque, les codes de cette société.
Nous sommes dans une période où l’afro féminisme prend sa place aux côtés du féminisme, et s’en détache même complètement: comment te situes-tu par rapport à ce mouvement ?
Bien évidemment, en tant que femme, je pense que l’on hérite de l’histoire de nos ancêtres et cela indépendamment de nos convictions et de nos valeurs. A travers mon art, mes valeurs et ce que je projette, j’espère contribuer d’une certaine façon à ce mouvement et non pas pour revendiquer le fait d’être noire et d’être une femme, mais surtout pour encourager, inspirer les femmes noires à s’accorder le droit de vouloir s’accomplir et se donner ainsi les moyens de devenir librement ce qu’elles désirent physiquement, mentalement et spirituellement tout en célébrant leur héritage.